lundi 2 mars 2009

L'avenir de nos entreprises ... innovation, différenciation et design !



The Designful company de Marty Neumeier … ou comment créer de la valeur dans l’entreprise … d’aujourd’hui … un livre à acheter rapidement !


Une chose est sûr pour l’entrepreneur d’aujourd’hui : il n’existe plus de rente de situation. L’entreprise n’a plus de positionnement sûr et durable sur le marché. Les barrières à l’entrée d’hier, propriétés des moyens de production, accès aux capitaux, licences et brevets, standards et normes, contrôle ou propriété de la distribution, ignorance du consommateur, disparaissent rapidement. Dans une économie darwiniste d’évolution et d’innovation perpétuelle, c’est un peu comme si vous n’aviez que deux options. La première est de devenir une commodité, un produit standard, de qualité condamné à être amélioré en permanence, et à voir ses coûts diminuer en permanence. La deuxième option est d’être révolutionnaire et fort différencié, de susciter un désir fort du consommateur. Si vous ne vous retrouvez pas dans ces deux positionnements, faites très attention.

Prenons l’exemple bien connu de Kodak. L’entreprise disposait de tout ce que l’on enseigne dans les business school comme barrières à l’entrée et comme facteurs-clé de succès : des licences et brevets à foison, des réseaux de distribution contrôlés, des parts de marché formidables dans le film et le cinéma, … En quelques années ces facteurs sont devenus marginaux face à l’avance inexorable de la photographie digitale. Kodak avait vu arriver cette révolution très tôt et avait lancé quelques produits digitaux, … mais l’entreprise a été incapable de s’affranchir de sa propre culture, de son propre sentier, de son ADN … d’une sorte de mono-culture paralysante basée sur un business modèle performant tirant ses profits de la vente et du développement de produits standardisés dans un marché relativement protégé.

Marty Neumeier a hésité à appeler son livre un manifeste. S’il ne l’a pas fait, c’est qu’il considère que la révolution du management dont il parle dans son livre a déjà commencé. Cette révolution nous fait rentrer dans un monde d’innovations qui s’accélère et qui ne s’arrêtera plus et qui va détruire bon nombre d’entreprises. Certains entrepreneurs et managers ont parfaitement intégré cette révolution, d’autres non. C’est comme si il y avait deux mondes, l’un qui apprend à surfer parce que le tsunami est proche de la plage, les autres qui continuent à s’appliquer à nager.

Dans son livre précédent (son deuxième), ZAG, Marty a fait l’apologie de la différenciation radicale. Dans ce livre-ci, il entend nous convaincre qu’il est urgent de transformer nos entreprises par la libération de la collaboration créative.

Une des révolutions du 20ème siècle est de nous fournir mécaniquement des produits de qualité à un prix abordable grâce à une froide gestion mécaniste du process et de la supply-chain. Cela a considérablement amélioré notre confort et notre vie journalière. Nos exigences de qualité aussi. Cela n’empêche cependant pas notre société de continuer à buter sur des problèmes détestables, comme la coexistence durable avec notre petite planète, ou les entrepreneurs de se plaindre de nouvelles contraintes comme l’alignement de la stratégie avec le niveau d’expérience des clients, l’éco-durabilité des produits, la collaboration entre les différentes composantes de l’entreprise, l’open-innovation ou la responsabilité sociale des entreprises.

Ces préoccupations attestées par plusieurs études récentes (1) divergent des préoccupations des entreprises de cette fin de 20ème siècle, à savoir la qualité totale et le Six-sigma. La contrepartie de cette qualité généralisée est que l’entreprise s’est résolue à tout mesurer. L’adage, que je ne manque que rarement de rappeler à mes collaborateurs, « Tout ce qui se gère bien se mesure bien », est devenu l’objectif numéro 1 des managers d’aujourd’hui : c’est devenu en quelque sorte le diktat du mesurable sur le sensé !

Mais est-ce suffisant pour le consommateur de plus en plus exigeant que nous sommes devenus ? Non, des produits sans esthétique ne nous satisfaisons pas pleinement, des marques sans sens ne nous attirent pas, nous fondons pour des objets au design soigné, à l’ergonomie peaufinée … et nous rejetons dédaigneusement les entreprises que nous jugeons sans éthique.

Cela veut dire quoi ? Que le modèle de gestion classique qui nous a amené où nous sommes ne paraît pas capable de nous faire aller plus loin. Le modèle industriel productif bon/mauvais doit être complété ou remplacé par la nature win/win du fonctionnement en réseau, de la collaboration interne et externe, de la recherche de complémentateur, par un nouveau rapport avec le client.

La satisfaction de ce client doit revenir au centre des préoccupations. Comme l’a dit récemment Bill Ford en annonçant un plan de fermeture de 14 usines laissant sur le carreau 34.000 jobs : « On ne peut plus jouer le jeu à l’ancienne. A présent, nous devons produire des voitures conçues pour satisfaire les clients, pas simplement pour faire tourner nos usines. »

Ce que veut dire Bill Ford, c’est que les efforts des managers de ces dernières années, le pouvoir dans l’entreprise, les moyens financiers aussi se sont focalisés sur l’obsession de l’efficacité, sur l’amélioration permanente des process, notamment grâce au Six-sigma. Où est le problème ? Et bien ce que ce que Toyota a fait depuis 25 ans, avec le Six-Sigma ou la méthode KAIZEN, toutes les entreprises ou presque l’on fait. Elles ont toutes amélioré leur process, leur qualité, réduit leur coûts, augmenté leur productivité ... et sophistiqué leur produits.

La qualité n’est plus aujourd’hui un axe de différenciation, c’est devenu un standard de marché et cela implique de rechercher ailleurs les facteurs de différenciation pour susciter le désir de clients de plus en plus exigeants. La qualité n’est plus suffisante pour être le meilleur sur son marché et la sophistication, grâce à l’innovation technologique touche également aujourd’hui ses limites : les produits d’entrée de gamme ont des performances tout à fait satisfaisantes et la concurrence rattrape vite son retard technologique. L’entreprise, pour survivre, doit aujourd’hui être différente. Pas simplement différente, mais vraiment différente.

Dans un marché plus déstructuré et sauvage que jamais, la différenciation devient la stratégie la plus puissante et la première bénéficiaire de l’innovation. Même si votre entreprise se trouve dans le premier quadrant des stratégies génériques de Porter, à savoir une production de volume avec un avantage basé sur une perception positive de votre prix, vous ne pouvez plus ignorer une forme de différenciation.

Si l’innovation stimule la différenciation, qu’est-ce qui stimule l’innovation ? Pour Neumeier, c’est le design : si vous voulez innover vous devez vous préoccuper du design ! Dans une étude américaine récente (2), 7 consommateurs sur 10, interrogé sur la dernière fois qu’ils avaient vu un produit qu’ils avaient vraiment envie de posséder, justifiaient ce désir par son design. Ce désir d’objet « émotionnants » étant encore plus important chez les jeunes.

Au sein des entreprises en croissance, le design est cité comme facteur-clé de succès par près d’une entreprise sur deux (3). Et ce design ne se limite plus aux produits technologiques, il conquiert également les process, les services, les systèmes et même les organisations. Pas étonnant de voir des sociétés de consultance s’intéresser spécifiquement à ce créneau. Pas étonnant non plus de voir le professeur d’une école a priori peu entrepreneuriale comme La Cambre créer son entreprise de service design (4) !

Il n’y aurait donc finalement que deux facteurs-clé de succès pour une entreprise, une marque charismatique et la manière de délivrer de la valeur, toutes les autres fonctions, comme les finances, la production, la communication, les ressources humaines, le financement étant reléguées au rang de valeurs secondaires où il faut simplement être « dans la norme ».

Et c’est finalement logique. Après 50 années de consumérisme effréné, nous reconnaissons que le problème avec ce consumérisme, n’est pas qu’il crée des désirs sans fin, mais plutôt qu’il ne parvient pas à vraiment satisfaire nos désirs. Le désir est un moteur chez l’homme et il y a peu de chance que cela change. Mais une partie de ce que nous désirons est aussi de se sentir bien lorsque nous achetons quelque chose. La réponse à ce désir est dans l’entreprise, dans sa manière de fonctionner, dans ses choix, dans ses priorités.

Au siècle dernier, la loyauté du consommateur reposait surtout sur l’ignorance. Les consommateurs méconnaissaient en général les alternatives ou les substituts aux produits et services qu’ils utilisaient. Ils se contentaient donc de ce qu’ils connaissaient. Microsoft est sans doute le dernier exemple contemporain de cette situation, dominant le marché en dépit d’une valeur de marque faible et de critiques vives vis-à-vis de ses produits.

Dans l’esprit du consommateur, une marque charismatique ne se substitue pas. Des études démontrent qu’un client amateur de Nutella et qui ne le trouve pas changer de supermarché ou préfère se passer de pâte à tartiner. Cette fidélité représente une formidable barrière de protection vis-à-vis des concurrents et une grande liberté pour fixer des prix rémunérateurs.

YouTube nous donne quelques exemples du CEO de Microsoft (Steve BALMER) clamant à qui veut l’entendre « I-love-this-company » (5). La différence entre Microsoft et Apple, c’est que ceux qui crient cette phrase en parlant d’Apple, ce sont les clients de la marque. Pas étonnant donc que la valeur de la marque de Microsoft représente seulement 17% de sa capitalisation boursière alors que celle d’Apple représente 66% de sa capitalisation boursière.

Ce lien entre la loyauté du client et la marge des entreprises est bien documenté et a encouragé bon nombre d’entreprises à développer des programmes dits de loyauté ou de fidélité, voire de véritables contrats pour tenter de « bloquer » les clients (lock-in). Mais est-ce la bonne solution ? D’abord, les clients détestent être « bloqués », ensuite, ces programmes sont chers à mettre en place, mais surtout n’importe quelle entreprise peut dupliquer ce type de programme. Peu de possibilité donc de générer un avantage compétitif durable.

Ce qui est clair, c’est que demain, (aujourd’hui ?), il ne suffira pas de compter sur l’ignorance des clients pour garder la concurrence à distance. Qui l’a bien compris ? Google, qui a besoin de susciter un maximum de fidélité, pour générer un maximum de trafic, pour engendrer un maximum de clics pour sa publicité en ligne qui fonctionne en pay-per-click. En utilisant design et créativité, Google a généré toute une série de petits produits, applications et services différenciés adorés par leurs clients, qui restent de plus en plus de temps sur Google ... Cela permet à l’entreprise de se passer de coûteux programmes de fidélité : la loyauté « organique » bat à plate couture et à chaque fois la loyauté « artificielle ».

Dans ce contexte, deux mouvements sont importants pour compenser la déstructuration du marché. D’abord une marque radicalement différenciée, suscitant l’émotion. Ensuite, construire une véritable agilité organisationnelle : les entreprises d’aujourd’hui et de demain devront être aussi rapides et adaptables qu’elles sont innovantes.

Mais l’agilité d’une entreprise ne se décrète pas. Elle va émerger d’une entreprise qui a su créer un état d’esprit particulier, composer les bonnes compétences et savoir-faire, mais aussi démultiplier ces savoir-faire par la collaboration et les synergies internes et externes. Cette agilité doit s’inscrire dans la culture de l’entreprise, et toutes les composantes de l’entreprises doivent avoir faim de partager de susciter et générer des idées radicales.

Mais c’est malheureusement rarement le cas. La plupart des managers éduqués dans les business schools sont aveugles et sourds quand on aborde le sujet de la créativité et du design. Formés par des routines répétées maintes fois à coups de tableurs Excel, de données et d’objectifs mesurables, façonnés par des études de cas aux résultats stéréotypés, ils rejettent la possibilité de dessiner des solutions alternatives inconnues et donc peu ou pas mesurables. « On n’a pas le temps », « les budgets ne permettent pas de tester ça », « notre culture est trop traditionnelle », ... sont des excuses habituelles qui cachent un malaise face à des voies aventureuses impossibles à évaluer parce que justement elles sont nouvelles.

Les managers d’aujourd’hui, confronté à des décisions difficiles sur un futur incertain vont donc avoir tendance à surévaluer le démontrable et sous-évaluer toute solution innovante ; ils cherchent de la certitude sur les coûts, les tailles de marché, les profits, … toutes des choses qui ne sont pas nécessairement disponibles lorsque les solutions sont disruptives. Imaginons un instant le banquier qui a dû prêter ses premiers milliers de dollars au créateur du Cirque du Soleil, exemple de l’océan bleu par excellence (6). Guy Laliberté n’avait aucune possibilité de mesurer son concept, de déterminer les parts de marché par exemple, car le marché n’existait pas … encore.

Pas étonnant donc, que pas mal d’entreprises préfèrent créer de la valeur ces dernières années par des manipulations financières que par des innovations créatrices de valeur.

Neumeier souligne 4 savoir-être qui permettent d’apporter du design et du sens dans l’entreprise : l’empathie, l’intuition, imagination et les idéaux. Il souligne le paradoxe que ces attitudes ne sont pas en général reconnues comme des qualités-clé dans le monde de l’entreprise, au contraire.

L’empathie, parce qu’il faut en avoir pour comprendre les motivations des clients, des employés fidèles, des partenaires et des fournisseurs et de forger des liens émotionnellement riches avec les gens.
L’intuition, qui est un raccourci pour la compréhension de situations complexes. Si la pensée logique est utile pour développer des idées, la pensée intuitive permet de percevoir et d’apprécier les situations dans leur globalité et de percevoir les tendances de demain.
L’imagination, parce que sans certains rêveurs, l’innovation n’existerait simplement pas, parce que les nouvelles idées jaillissent de pensées et de conceptions divergentes, et pas convergentes.
L’idéalisme, parce que c’est en se concentrant sur ce qui ne va pas, sur ce qui ne fonctionne pas, sur ce qui manque, ou sur ce qu’ils pensent qu’il faudrait changer que les idéalistes font avancer le monde en résolvant des problèmes concrets.

Il existe donc des différences entre la manière de penser d’un manager classique et celle d’un manager designer. Le manager travaille principalement sur le raisonnement inductif (observer que quelque chose fonctionne) et sur le raisonnement déductif (prouver que quelque chose existe).

Ces deux raisonnements sont parfaits lorsque le problème et les formules pour le résoudre existent. L’entreprise a besoin de ce type de manager pour fonctionner. Ce sont les ingénieurs et les MBA qui font que les produits sortent de la chaîne, qu’ils arrivent dans les magasins, que les commandes sont payées et que la marge générée permettent que nos salaires arrivent sur nos comptes à la fin du mois. Qu’ils en soient remerciés, mais ils ne sauveront pas l’entreprise sur le long terme.

Le manager designer travaille lui sur le raisonnement adductif (imaginer que quelque chose pourrait être). C’est indispensable lorsque les paradigmes n’assurent plus un résultat adéquat et que l’on ne sait pas sur quoi reposeront les prochains paradigmes. Ces managers designers doivent trouver leur place dans l’entreprise, bénéficier du juste pouvoir, car ce sont eux qui vont faire que l’entreprise saura comprendre ce que les consommateurs auront besoin demain, qui vont générer les … salaires de demain. Leur travail n’est pas « juste du design de forme ».

On peut s’interroger dès lors sur l’utilité de former les managers de demain à l’aide d’études de cas. Ce mécanisme de formation repose sur le principe que la réponse à un type de problème managérial peut se limiter à la manière dont une ou deux entreprises ont résolu ce problème. Mais l’expérience d’une entreprise n’est pas nécessairement transposable à une autre. On ne résout pas toujours les problèmes d’une entreprise en piochant dans l’armoire à solutions.

Dans la plupart des cas, la solution doit être taillée sur mesure en fonction du problème rencontré et le plus souvent sans disposer des éléments suffisants que pour vérifier que cette solution va pouvoir fonctionner.

Dans le système des études de cas, on suppose que l’alternative existe, mais la décision va être difficile. Dans la solution faisant appel au design, le manager suppose que de nouvelles options puissent être imaginées, mais qu’une fois imaginées, la décision d’y faire appel sera relativement facile.

Aujourd’hui, on ne peut plus se contenter de la première méthode … et la deuxième ne peut s’appliquer à chaque occasion. Dès lors, le défi est de pouvoir combiner régulièrement les deux méthodes.

Les leaders de demain auront intégré ces deux méthodes. Ils seront motivés par l’incertitude et l’ambiguïté des situations qu’ils vont rencontrer, ils seront portés par l’ambition de créer de la valeur à la place de la libérer par l’optimisation du process. Mais surtout, ils sauront s’affranchir de la fausse sécurité des « best practices » pour l’insécurité prometteuse des nouvelles pratiques.

Le leader de demain devra aussi faire en sorte que l’indispensable esprit de révolution existe non seulement dans son cœur, mais aussi dans le cœur des employés et des clients de l’entreprise … parce que si la révolution peut être dirigée par le haut, elle n’est que rarement initiée par le haut. En entrepreneuriat, il n’y a pas de loup solitaire qui créent de grandes entreprises durables.

Une autre clé pour libérer l’innovation, la créativité et le design, réside dans la communication, l’information et la collaboration. La Société de l’information est censée avoir remplacé l’Âge industriel. Mais la véritable révolution, ce n’est pas l’information, c’est la faculté de disposer de puissants moyens de collaborer, de démultiplier les talents par la collaboration interne et externe, par un meilleur travail en équipes, et c’est vraiment un facteur-clé de succès du processus d’innovation.

On peut d’ailleurs s’interroger sur les politiques managériales du 20ème siècle qui ont découragé la collaboration à l’intérieur de l’entreprise. Les managers ont systématiquement récompensé les employés, les départements, les consultants externes pour des accomplissements individuels. Les écoles ont fait de même, considérant la collaboration comme de la tricherie. On travaille en silo, en groupe de pair, au sein de départements cloisonnés, on travaille verticalement. Il faut relire les concepts d’Open Innovation d’Henry Chesbrough pour comprendre l’enjeu de la collaboration interne et externe.

Un autre élément, culturel cette fois, freine cette collaboration. Dès que des groupes se forment dans l’entreprise pour résoudre des problèmes, toute une série de gens bien intentionnés vont perturber le processus créatif en exprimant des désaccords et des critiques.

Notre société n’a pas inventé cette contradiction. Nous en avons hérité : les Grecs, avec Aristote, Socrate ou Platon pensaient que les pensées profondes naissaient de la discussion, plutôt que du dialogue, de l’identification des faiblesses de l’argumentation de l’autre, plutôt que de l’action de construire des concepts ensemble.

La réponse à cette contradiction castratrice pourrait être le concept de « parallel thinking » : chacun dans le groupe se force à penser dans la même direction explorée, en même temps, neutralisant ainsi la contradiction socratique qui impose de tirer systématiquement sur les idées avant même qu’elles ne prennent forme.

En conclusion, les actifs intellectuels vont déterminer la valeur des entreprises du 21ème siècle. Le temps où les entreprises se contentaient simplement de vendre des produits est révolu. Aujourd’hui, et demain, les entreprises qui gagnent sont celles qui seront capables de répondre aux opportunités émergentes, aux besoins non-rencontrés des consommateurs, au rythme du marché. Cela implique de transformer l’entreprise, ce qui implique de transformer les femmes et les homes qui la compose, qui en font la richesse. Individuellement, nous devons aussi nous remettre en question, faire évoluer nos modes de pensées, mais surtout accepter que nos manières de faire, même si elles ont contribué à nous faire arriver où nous sommes, ne vont pas être suffisantes pour parcourir le reste du chemin.

(1) Neutron & Standford University 2008
(2) Kelton Research
(3) Source : Design Council (UK)
(4) www.originn.be
(5) http://www.youtube.com/watch?v=XnrAdYf5-VI
(6) http://strategie-entreprendre.blogspot.com/2009/02/le-concept-la-mode-la-blue-ocean.html


Quelques ressources utiles :

http://www.neutronllc.com/

http://www.zagbook.com/

http://www.slideshare.net/coolstuff/the-brand-gap




dimanche 1 mars 2009

Une clé de la stratégie : Définir sa vision et ses mission statement

La "Vision" et le "Mission Statement" sont deux composantes essentielles d'un business plan. Penchons-nous donc sur leurs fonctions et comment faire de ces deux concepts quelque chose de cohérent et d'utile.

Ecoutons d'abord ce cher Peter Drucker :
  • Developping a clear business vision and mission is « the first responsibility of strategist ».
  • A business is not defined by its name, statutes, or articles of incorporation. It is defined by the business mission. Only a clear definition of the mission and purpose of the organization makes possible clear and realistic business objectives.


La vision ?

C’est une déclaration d’intention sur la destinée à long-terme de l’entreprise. Une image d’un résultat global à atteindre dans quelques années. Une image crédible du futur dans lequel l’entreprise souhaite se projeter. Cette intention doit donc avoir un objet fonctionnel, tracer une voie claire vers des objectifs clairs. On y trouve idéalement une réponse aux besoins réels du client. La vision pour être utile doit être claire, consistante et unique, propre à l'entreprise.

A quoi sert la "Vision" ?

A communiquer, en interne et en externe, à ses troupes, ses équipes, à ses fournisseurs, à ses clients, ... à ses investisseurs. C'est une manière efficade de montrer, de faire percevoir un objectif.

Existe-t-il une différence entre stratégie et vision ?

Oui, la vision est un objectif global, une posture, quelque chose de cohérent lorsque l’on regardera le parcours de l’entreprise dans quelques années. La stratégie est l’ensemble des choix posés pour choisir le parcours pour réaliser la vision.

Et le mission « statement » alors ?

C’est une déclaration sur les attitudes et les perspectives, sur la description du déroulement des actions pour réaliser la vision. C'est vraiment la ou les manière(s) de déployer les ressources de l'entreprise pour réaliser la vison. Les choix posés dans le "Mission Statement" permette de caractériser l'entreprise, de la positionner sur un parcours stratégique clair a priori.

Le « Mission Statement » comporte en général - de 100 mots.


Objectifs du « Mission Statement » ?

Vern McGinnis*: A mission statement should …

  • Define what the organization is and what the organization aspire to be.
  • Be limited enough to exclude some ventures … and broad enough to allow for creative growth.
  • Distinguish a given organization from all others.
  • Serve as a framework for evaluating both current and prospective activities.
  • Be stated in terms sufficiently clear to be widely understood throughout the organization.

* Former Vice President of strategic planning and corporate services for GROWMARK.


Composition du "Mission Statement" ?


Le « Mission Statement » devrait idéalement regrouper 9 composantes:

  1. Clients / stakeholders
  2. Produits & services
  3. Marché
  4. Technologie
  5. Création de valeur
  6. Valeurs de base - philosophie
  7. Avantages compétitifs - Concept propre
  8. Préoccupation d’image publique
  9. Attitude vis-à-vis des employés

Exemple de "Mission Statement" : le Mission statement d’eBay :

We help people trade practically anything on earth. eBay was founded with the belief that people are basically good. We believe that each of our customer, whether a buyer or as seller, is an individual who deserves to be treated with respect. We will continue to enhance the online trading experiences of all-collectors, hobbyists, dealers, small business, unique item seekers, bargain hunters, opportunistic sellers and browsers. The growth of the ebay community comes from meeting and exceeding the expectations of these special people.

Enfin, pour conclure, une réflexion qui illustre l'intérêt d'une claire mission bien communiquée en interne :

Former CEO Porsche Peter Schultz … : Three people were at work on a construction site doing the same job, but when each of them was asked what is job was the answers varied : « breaking rocks » the first replied, « Earning a living » responded the second; « helping to build a cathedrale » said the third. Few of us can build cathedrals. But to the extend we can see the cathedral in whatever cause we are following, the job seems more worthwhile. Good strategist and a clear mission help us find those cathedrals in what otherwise could be dismal issues and empty causes.

Q - A - Vision & Mission Statement

  1. Quel est le risque de trop détailler le mission statement ? Tuer la créativité dans l’exécution des actes pour atteindre les objectifs …
  2. Jusqu’où faut-il aller dans la description ? La description du mission statement doit concerner les grands axes de déploiement et leur lecture doit permettre d'exclure des alternatives jugées inadaptées. Il ne faut pas arriver à aborder des activités opérationnelles.
  3. Quels sont d’après-vous les éléments-clés à ne pas oublier dans le mission statement ? Un choix clair parmi des alternatives … un alignement entre les intérêts des parties …
  4. Est-ce que le mission statement entre une entreprise commerciale et une institution publique ou une Asbl diffère ? Non pas nécessairement. Il y a des clients, des objectifs, des marchés, sans doute pas d’actionnaires à rémunérer, mais des stakeholders à satisfaire.
  5. A quelle fréquence une entreprise doit-elle changer de mission statement ou de vision ? Chaque année l’entreprise doit remettre en cause sa vision et son mission statement. Le mission statement passe en permanence l’épreuve du temps. Il faut par contre espérer que la Vision puisse mieux résister à l'épreuve du temps et qu'elle ne change pas tous les temps, sinon, soit on est dans un secteur très changeant avec des technologies disruptives ou ... la vision a été mal conçue ... Si c'est le cas, on va devoir faire évoluer la mission et la vision ce qui impliquera de nouvelles décisions stratégiques et la remise en cause de décisions stratégqiues précédentes. La différence entre des décisions stratégies et des décisions opérationnelles est souvent que les premières sont plus coûteuses à remettre en cause car elles impliquent théoriquement tous les départements de l'entreprise.

samedi 28 février 2009

Stratégie & turbulence ?

"Le plus grand danger, dans les moments de turbulence, ce n'est pas la turbulence ; c'est d'agir avec la logique d'hier." P. Drucker

vendredi 27 février 2009

L'excentricité et la stratégie ?

J'ai reçu récemment en cadeau de Mark Raison (http://www.ideesjaunes.com) un petit livre sympathique dénommé "Six excentriques" publié dans la collection NRF de Gallimard.

L'auteur, Michel BRAUDEAU, y présente, après une intéressante et savoureuse introduction, 6 excentriques plus ou moins connus.

Je souhaite partager avec vous certains extraits et faire le lien avec la stratégie d'entreprise.

Qu'est ce que l'excentricité ? Selon le dictionnaire, ce mot qui date de 1634, désigne en géométrie un éloignement du centre. Dans le langage courant, une manière d'être, de penser, d'agir qui s'éloigne de celle du commun des hommes.

Un "excentrique" serait un individu dont la manière d'être est en opposition avec les idées reçues.


L'analogie est facile avec la manière d'entreprendre. Dans un monde d'hypercommunication, où les produits et services sont copiés très rapidement, où l'information sur ceux-ci circulent très rapidement, où les barrières à l'entrée sont de moins en moins importantes, la différenciation n'est plus une option : les entreprises doivent trouver comment formuler une proposition de valeur qui réponde mieux, ou différemment, aux besoins de ces clients de plus en plus exigeants et de moins en moins fidèles. L'alternative étant de trouver de nouveaux moyens de délivrer une proposition de valeur existante.

Alors, l'entreprise créative serait-elle excentrique ? L'excentricité serait-elle un facteur de succès dans le monde entrepreneurial ?

D'après l'auteur, un excentrique n'est pas pour autant un fou. Au contraire, il s'arrêterait plutôt au seuil de la folie, il flirte avec la frontière, la frôle sans la franchir. L'excentrique serait conscient de ses limites. Mais ce qui caractérise sans nul doute l'excentrique, c'est l'acceptation de soi.

Dans leur ouvrage, Eccentrics, a study of Sanity and Strangeness (Kodansha Globe, 1995), David Weeks et Jamie James proposent une série de traits communs de la plupart des excentriques. Examinons-les et tentons de voir si ces traits (lorsque c'est applicable à une entreprise bien sûr) peuvent constituer aujourd'hui, a priori, des facteurs-clés de succès pour nos entreprises qui évoluent dans ce monde hyper-concurrentiel.

  1. Non-conformisme : Oui, pour s'imposer dans des marchés globalisés, une bonne dose d'anti-conformisme est la bienvenue. Sinon, comment échapper à la stratégie du "me-too" ? La plupart des projets de nouvelles entreprises qui nous sont présentés sont de simples imitations d'offres existantes. L'exemple du Cirque du Soleil qui a secoué les propositions de valeurs du secteur est un bon exemple de non-conformisme réussi.
  2. Créatives : Oui également. Si l'on veut innover dans sa proposition de valeur, il faut être créatif, chercher à résoudre des problèmes qui ont de la valeur de manière innovante. Trouver les manières de faire qui créent plus de valeur.
  3. Curiosités : La curiosité serait un premier pas vers l'intelligence. C'est aussi à mon sens un facteur-clé de succès des entreprises actuelles. Être et rester curieux, pratiquer l'intelligence économique, stratégique, mais aussi préserver sa capacité de s'étonner.
  4. Idéalistes : Oui, sans doute, de belles entreprises récentes ont utilisé des idéaux pour construire de superbes entreprises. Google dont la devise est "Don't be evil" et qui en préservant le cœur de sa page de la tentation d'y mettre de la publicité, ou en évitant de faire payer les premiers résultats des recherche, s'est construit une réputation de fiabilité et d'efficacité. Ebay, dont le business modèle repose sur un idéal de confiance vis-à-vis de ses utilisateurs et surtout dans le fait que cette confiance soit importantes entre vendeurs et acheteurs.
  5. Obsédés : Oui, je pense que, quand on entreprend, il faut être obsédé, que ce soit par la volonté de satisfaire le client, de résoudre son problème, de chercher une solution, d'être le meilleur. Une obsession bien ciblée peut créer beaucoup de valeur ... ou de différenciation.
  6. Conscientes de leurs différences : Cette conscience est un des éléments-clé permettant de construire une différenciation, de formuler une proposition de valeur unique sur un marché. Plus je suis conscient de ma différence, plus je peux comprendre ce qui va permettre de me différencier.
  7. Intelligentes : Bien sûr, cette intelligence est un facteur-clé de succès. Elle permet une manière de voir les choses et d'exécuter qui contribue à la différenciation.
  8. Justesse de leur points de vue : Le positionnement adéquat sur un marché est un facteur-clé de succès. Lorsqu'un entrepreneur dispose d'un point de vue clair et précis sur le fonctionnement d'un marché, sur les besoins spécifiques de certaines catégories de clients, sur les évolutions futures de segments de marché, oui c'est un atout crucial.
  9. Dépourvues d'esprit de compétition et de désir de reconnaissance : Là bien sûr on peut s'interroger. Quoique : prenons l'exemple de Google dont les 2 créateurs n'avaient aucune autre ambition que de formuler un beau geste technologique dans le cadre de leur thèse. Pendant des mois, ils ont opéré sans business modèle monétisable et sans esprit de compétition, cherchant seulement à engranger de plus en plus d'utilisateurs ... et c'est bien le modèle adopté par de plus en plus d'entreprises de type web 2.0. ou d'entreprise ayant créé des océans bleus et où la concurrence n'est pas relevante.
  10. Mode de vie inhabituel : Oui, pour reprendre Google, le mode de gestion des ressources humaines, ou l'environnement de travail peuvent être considérés comme inhabituel. Mais est-ce un facteur-clé de succès ? Oui, sans doute, au-delà du simple alignement de l'environnement interne sur le positionnement adopté par l'entreprise, cet environnement contribue à l'ambiance de créativité et de non-conformisme qui va stimuler la production de réponses aux défis de demain.
  11. Indifférente à l'opinion : Oui, mais ... ! L'entreprise ne peut pas faire fi de l'opinion, c'est clair. Plutôt qu'un facteur-clé de succès, cette attitude serait plutôt un risque, surtout pour une entreprise cotée faisant appel à un financement public.
  12. Sens de l'humour : Oui, pourquoi pas ! Ce sens de l'humour peut rendre l'entreprise sympathique, voire faciliter la communication.
  13. Célibataires : Relevant ou non-relevant ? Si l'on considère qu'une entreprise célibataire serait une entreprise "stand-alone", qui évite les fusions et manie les acquisitions avec discernement pour préserver son ADN, pourquoi pas ...
  14. Ainés d'une fraterie ou enfants uniques : Cette caractéristique nous renvoie plutôt aux créateurs qu'à l'entreprise elle-même.
  15. Souffrant d'une mauvaise élocution : Ce critère n'est pas relevant bien sûr ...
Alors, une entreprise innovante peut-elle être excentrique ? Est-ce que l'excentricité peut contribuer à nourrir une proposition de valeur unique ?

En tous cas, la grande majorité des caractéristiques de ces excentriques sont des savoir-être utiles dans le processus de génération d'une entreprise qui se différencie de la norme de son marché.


L'introduction qui précède la présentation des 6 excentriques se clôture par ces mots :

"Livré aux seuls gens normaux, le monde n'aurait pas un grand avenir".

Alors, qu'en pensez-vous ? Avez-vous envie de créer une entreprise normale ou plutôt excentrique ? ;-)

Bruno Watt

Le concept à la mode : la Blue Ocean Strategy !!!

« Go where the profit and growth are, and where the competition isn’t »

D'après une étude scientifique à la base de la conceptualisation de cette stratégie, 86% des lancements de nouveaux produits sont en fait de simples extensions de produits existants. Pas étonnant donc que ces produits peu innovants ne représentent que seulement 39% des bénéfices engrangés, comparativement aux 14% de lancements restants, innovants eux, et qui représentent 61% des bénéfices.

Marchés saturés, hyper concurrence, circulation rapide de l’information, déstructuration des marchés, disparition des barrières à l’entrée dans de plus en plus de secteurs, nouveaux canaux de distribution, … Comment échapper à la fatalité de cette spirale infernale qui condamne l’entreprise à améliorer sans arrêt ses produits, à optimiser en permanence sa chaîne de valeur, à rogner toujours un peu plus ses marges, à surveiller de près une concurrence chaque jour plus âpre ?

Existe-t-il une alternative à cette fatalité ? Comment Apple, The Body Shop, eBay, Swatch, le Cirque du Soleil, arrivant sur des marchés saturés, ont-ils pu s’affranchir de cette spirale infernale et conquérir de nouveaux marchés où ils s’épanouissent plus ou moins à l'abri de l'hyper-concurrence ?

Au terme de quinze années de recherche dans trente secteurs d'activité différents, deux professeurs de stratégie, W. Chan Kim et Renée Mauborgne, ont décrit une alternative stratégique à cette fatalité, un positionnement alternatif qu'ils nomment la « Stratégie Océan Bleu » ... par opposition à l'Océan Rouge qui représenterait cette sanglante hyperconcurrence ...

Dans des industries surpeuplées, où les produits se ressemblent de plus en plus et où la guerre des prix fait rage, il difficile et épuisant, voire impossible de maintenir une performance élevée sur plusieurs années.

Se trouver, entrer ou rester en concurrence au cœur de l'industrie existante et hyper concurrentielle, en essayant de voler des clients aux rivaux est appelé par ces deux professeurs la « Stratégie sanglante » ou « Stratégie Océan Rouge » :

Red Ocean Strategy

  • Concurrence dans un marché existant
  • Objectif = Battre la concurrence
  • Exploiter une / la demande existante
  • Exploiter à fond le rapport entre la valeur et le coût
  • Aligner toute la structure des activités de l’entreprise avec son choix stratégique basé soit sur la différenciation, soit sur le « low cost », soit sur le « best value ».


Pour générer une croissance rentable, l'entreprise qui se trouve dans cet environnement concurrentiel saturé, où les produits se ressemblent de plus en plus et où la guerre des prix fait rage, devrait plutôt chercher à s'affranchir des contraintes de son marché.

W. Chan Kim et Renée Mauborgne suggèrent donc une alternative, la « Stratégie Océan Bleu » qui consiste à « Développer un espace non encore concurrentiel sur le marché ce qui rend la concurrence non pertinente. »

Pour sortir de « l'océan rouge » de la concurrence, l’entreprise doit donc trouver ce nouveau marché, ce nouvel espace non encore concurrentiel. La solution réside en général dans l’innovation, technologique parfois, mais aussi et surtout dans l’organisation, le choix des produits, de la manière dont ils sont délivrés, de nouvelles manières de capturer de la valeur.

L’entreprise doit effectuer ce qu’on peut appeler un saut de valeur, un véritable déplacement stratégique qui doit créer cet espace de marché entièrement nouveau, ce qu’ils appellent un « Océan bleu ».

Avantageuse, cette stratégie « Océan Bleu » permet également aux leaders de gagner une prime : ils peuvent sauter jusqu'à un an en avant de la compétition et prendre le temps d'établir leur identité de marque.

Blue Ocean

  • Créer un espace de marché non contesté
  • Rendre la concurrence non-relevante
  • Créer et capturer les nouvelles demandes
  • Casser le rapport entre valeur et coûts
  • Aligner toute la structure des activités de l’entreprise sur la poursuite de la différenciation et du low-cost.


Apple, The Body Shop, le Cirque du Soleil, eBay et Swatch ont connu une réussite éclatante parce que ces entreprises ont su, à partir de leur espace de marché connu, ouvrir et conquérir des espaces stratégiques encore vierges et créer une demande entièrement nouvelle.

Les auteurs citent plusieurs exemples de succès océan bleu dont le fondateur du Cirque du Soleil. Ainsi, au lieu de lutter pour se tailler une place parmi les cirques déjà en déclin, Guy Laliberté a réinventé cet art en produisant un spectacle qui n'avait pas de précédent. Par rapport aux cirques locaux et aux leaders du marché, le Cirque du Soleil a supprimé certaines valeurs (les animaux, trop coûteux à entretenir, les stars coûteuses et finalement peu connues, …), réduit certaines autres (les numéros de clown et d’humour, les numéros dangereux, …), augmenté d’autres (les lieux uniques, …) et surtout créé de nouvelles valeurs (les thèmes, les environnements luxueux et raffinés, les productions multiples, la dance et la musique). De cette innovation est né un nouveau marché océan bleu, toujours en croissance aujourd'hui ... et qui voit apparaître lentement de nouveaux acteurs, comme Cavallia par exemple.

Cette stratégie alternative appartient principalement à ceux qui peuvent combiner innovation et création de nouveaux marchés et elle peut paraître évidente, ou constituer un objectif relativement commun. Mais comment faire alors et surtout pourquoi tout le monde ne le fait pas ?

Les auteurs recommandent d’abord de ne plus se focaliser uniquement sur le « benchmaking » de ses concurrents pour conduire sa barque. Même s’il faut se comparer aux acteurs du marché, s’évaluer par rapport à leurs performances, la manière dont ils déploient leur process, cette comparaison obsessionnelle ne peut que contribuer à enfoncer l’entreprise dans l’hyper concurrence en la faisant ressembler à ses concurrents. L’entreprise doit donc s’affranchir de la tentation rassurante de devenir une « me-too » entreprise.

Ensuite, il est recommandé de ne pas se contenter de regarder vers ses clients existants, mais de plutôt regarder vers les clients potentiels, les clients non encore satisfaits par le marché, les clients qui ont les moyens, … ce sont eux qui vous donneront le plus grand aperçu des horizons nouveaux vers lesquels vous pourriez voguer.

Les entreprises qui visent à quitter les « Océans rouges » doivent enfin s'organiser autour de règles souvent fort différentes de celles auxquelles elles sont habituées. Au lieu de tenter de contrôler le comportement erratique d'un marché ou de se battre pour rencontrer les objectifs de performance à court terme, les leaders de l'océan bleu doivent plutôt encourager leurs collaborateurs à devenir plus coopératifs, flexibles et créatifs, à mieux connaître les nouvelles technologies, mieux connaître les clients, segments, par segments, décloisonner les équipes, horizontaliser les structures, stimuler l’intrapraneuriat, … Bref, ici aussi, rien ne remplace le "customer intimacy".

Les leaders océan bleu créent un environnement promoteur de développement créatif, de leadership et d'empowerement (self-empowerment) facilitant ainsi l'émergence de l'innovation. De cette façon, ils s'assurent d'une viabilité et d'une prospérité à court, moyen ou long terme.

Voici les 5 règles qu’une entreprise devrait suivre pour entreprendre une stratégie océan bleu :

  1. Solidifiez vos relations avec vos collaborateurs - Nourrissez un véritable esprit d'équipe en créant des occasions d'examiner les problèmes et d'explorer les nouvelles données qui permettent à l'innovation d'émerger.
  2. Clarifiez votre vision et vos valeurs - Demandez à vos collaborateurs d'y contribuer et de s'y engager. Cela les aidera à s'adapter au chaos généré par l'innovation.
  3. Partagez l'information - Créez un environnement qui en est riche et qui incite les gens à la prospecter et à discuter de ses effets sur eux, sur leur travail ainsi que sur l'ensemble de l'organisation.
  4. Encouragez la créativité - Entretenez un niveau gérable de déséquilibre qui engendre l'évolution et l'innovation. Encouragez aussi l'adaptabilité des équipes, la flexibilité des rôles, l'apprentissage continu, et l'utilisation de techniques et d'outils de créativité.
  5. Pensez à long terme - Développez une vision large qui vous permet d'éviter les perceptions limitées. Maintenez le cap, sachant que l'innovation et l'émergence de nouveaux marchés résultent d'un processus créatif.


Est-ce que cette stratégie est franchement nouvelle ? Non, certainement pas, combien d’entreprises, de produits, de services étaient inconnus il y a 100 ans, 50 ans, 10 ans ? De nombreux océans bleus ont été créés ces dernières années.

Ce qui a changé aujourd’hui, c’est l’environnement global, c’est la capacité des entreprises à comprendre ce que font les autres, à utiliser les nouvelles technologies de l’information pour optimiser leur manière de faire … ce qui ne fait qu’accroître la pression concurrentielle.

On peut rapprocher cette stratégie « Océan Bleu » du modèle Delta d’Alfredo HAX. Le modèle Delta cherche aussi à déplacer la relation avec le client en cherchant le « Customer lock-in » ou la fixation de la relation client-fournisseur dans un marché, et le « Competitor lock-out » ou le blocage du concurrent en-dehors du marché.

On peut penser qu’on est passé progressivement d’un modèle de Stakhanov où la productivité est l’objectif, à un modèle Cobb-Douglas où l’on va jouer sur l’augmentation marginale de chacun des facteurs de production, à un modèle schumpétérien de destruction créative, … pour arriver finalement à celui de l’innovation en terme de valeur.

L’innovation seule n’est donc plus suffisante. L’innovation crée souvent des produits pour lesquels le consommateur n’est pas prêt à payer le surcoût de l’innovation.